Tout le monde zappe : les clients, les medias, les « marketers »
Le marketing a été souvent considéré comme un art plutôt que comme une science. Pourtant, le marketing classique est avant tout analytique. Sur base d’une demande issue de besoins et d’envies plus ou moins « fabriquées » et, à tout le moins, entretenues, les entreprises créent, conçoivent et diffusent des produits ou services qui apportent une (vraie ?) valeur, rationnelle ou émotionnelle. En satisfaisant ces besoins, ces mêmes entreprises espèrent fidéliser leurs clients, gage de leur profit et, par là, de leur pérennité. Ces paradigmes ont soutenu les concepts de marketing pendant plus d’une génération mais tout cela, c’est du passé !
Aujourd’hui, tout le monde « zappe » ! Et d’abord, bien sûr, les clients mais aussi les medias qui sautent d’un thème à l’autre dans un climat de pensée unique et les « marketers » eux-mêmes qui passent sans cesse d’une entreprise à l’autre, d’un produit à l’autre, d’une campagne à l’autre…
Nous sommes tous des clients impatients, exigeants et sans pitié
Les constats que nous, universitaires, dressons lorsque nous écoutons les professionnels sont clairs. Les clients, consommateurs privés ou acheteurs professionnels n’ont plus de patience. Nous sommes dans l’univers du « tout, tout de suite ». Les demandes sont des « hyper-demandes » et les besoins émotionnels priment sur le rationnel. Nous sommes tous des clients et lorsque nous ne sommes pas satisfaits, pas de problème, nous n’avons qu’à changer de fournisseur, comme on change de chaîne, parfois juste pour voir, rien qu’une fois…et puis tout le temps, par réflexe…
Le web est là pour nous aider. Il fait maintenant le travail pour nous. Un vrai robot à comparer les offres, les prix, les formules ! Et pourtant, nous sommes saturés d’information… Donc, on ne va plus à fond, on jette un œil, on se fait une opinion, et surtout…on se base sur l’avis des autres (les proches, les amis, les collègues…). De toute façon, on a trop de tout : trop de produits, trop de pub, trop de marques, trop d’info…c’est too much !
Et le marketing dans tout cela ?
Oublions le passé, c’est le marketing du futur qui nous intéresse ! Mon collègue allemand Christian Bluemelhuber, l’a souvent développé dans ses communications : “Kotler est mort” ! Le marketing de Kotler s’entend. Il a raison ! Nous sommes entrés dans l’ère du Zapketing. Il n’y a plus de marchés, il n’y a plus que des zappeurs. Donc, il faut tout changer !
D’abord les études de marché. Changeons les études : elles sont longues, coûteuses et restent abstraites. Le temps qu’elles soient réalisées, tout a déjà changé. Allons vers le « zapsearch » : une immersion dans le monde des clients, un bain d’humilité, un choc de culture ! Le développement des produits doit résulter d’un bouillonnement permanent d’innovation. Plus le temps de tester, il faut tenter, lancer, récupérer, risquer ! Et parlons au cœur plutôt qu’à la raison. Les marques et les offres doivent être SPICE : S-Sexy, P-pleines de Personnalité, I-Intelligentes, C-orientées Client, E-Emotionnelles. Ne parlons plus de pub, parlons confiance et réputation. Et soyons réalistes, aujourd’hui, les produits sont comme des personnes, on ne reste ensemble que si on y trouve du plaisir ou de l’intérêt !
La plupart des entreprises sont encore inconscientes de la profondeur des changements que nous vivons. Elles pratiquent des changements anecdotiques au lieu de songer à des méta-changements. Si elles ne s’adaptent pas radicalement aux nouveaux systèmes qui se mettent en place, c’est le darwinisme économique qui fera le boulot. Vous, professionnels, devez vous secouer avant que le marché s’en charge… Le marché ? Vous avez dit “marché” ? Non, c’est vrai, le marché, ça n’existe plus !
Jean-Pierre Baeyens 